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Deuxième colloque du groupe de recherche EVEREST

Albe, Virginie,Barroca-Paccard, Marco,Gouyon, Pierre-Henri,Vidal, Michel,Panissal, Nathalie,Cancian, Nadia,Simonneaux, Laurence,Schneeberger, Patricia,Lhoste, Yann,Fortin, Corinne,Bernard, Marie-Claude,Albert, Manon,Barma, Sylvie,Voyer, Samantha,Varlet, Madeleine

Actes de colloque


Description

everestLe groupe EVEREST Enseignement du Vivant Et Recherche En Sciences et Technologies a organisé son deuxième colloque* à l’Université McGill, le 11 et 12 mai 2017. Formé par des professeures œuvrant dans le champ de la recherche sur l’enseignement des sciences – et plus particulièrement de la biologie –, et de la bioéthique, ce groupe de recherche considère que le milieu éducatif contribue à la construction d’une conceptualisation du vivant, en tant qu’objet de savoir scientifique, de représentation de la vie et du vivant, et de rapports au vivant (dell’Angelo-Sauvage & Coquidé, 2006).

L’intérêt pour le champ d’études que représente le vivant résonne avec la question du sens accordé aux savoirs par les élèves. En effet, dans le processus d’apprendre, la question du sens donné aux apprentissages est prioritaire (Charlot, Bautier & Rochex, 1992; Maulini, 2016). S’agissant du vivant, de ses représentations et des rapports que les élèves (et les enseignants et enseignantes) construisent avec ses différentes formes du vivant, certaines études conduisent vers la notion de rapport aux savoirs (Bernard, 2014; Pautal, Venturini & Dugal, 2008). Cette notion a été étudiée par Charlot et ses collaborateurs dans le contexte de la problématique de l’échec ou de la réussite scolaire. Les différentes recherches conduisent par les membres du groupe EVEREST contribuent, sous divers angles, à réfléchir sur la construction de rapports au vivant à l’école.

Dans ce qui suit, nous présentons l’argumentaire de l’appel à ce deuxième colloque suivi des résumés des communications séparés selon deux axes : celui des innovations technoscientifiques, défis et enjeux pour une « éducation au vivant » et celui des innovations technoscientifiques, perspectives interdisciplinaires pour une « éducation au vivant ». La conférence « Industrialiser le vivant, jusqu’où », prononcée par Dorothée Benoit-Browaeys, sépare les résumés des deux axes. 

* Le premier colloque organisé par le groupe EVEREST a eu lieu à l’UQAR et a fait l’objet d’une publication accessible en ligne.

Références

 

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Innovations technoscientifiques et perspectives interdisciplinaires pour une éducation au vivant : finalités et stratégies

Argumentaire

Depuis la fin du 20e siècle, les avancées technoscientifiques en lien avec le vivant soulèvent de nouvelles questions, scientifiques, éthiques, mais aussi éducatives. S’appuyant sur des modèles provenant de nombreuses disciplines biologiques pour comprendre et appréhender le vivant (biologie moléculaire, biologie génétique et évolutive, biologie de synthèse) certaines de ces avancées technoscientifiques induisent des formes de maitrise ou de façonnement du vivant. La place du vivant dans la recherche de solutions dites durables aux problèmes énergétiques, matériels, alimentaires ou de santé est au cœur des préoccupations que ce soit dans le but de préserver la biodiversité ou pour employer le vivant en tant que ressource. Ces différents buts et usages interpellent les scientifiques, mais plus largement tous les citoyens et citoyennes ainsi que les acteurs qui œuvrent dans le champ éducatif et plus particulièrement dans l’enseignement des sciences et technologies (Albe, 2011, 2016 ; Fourez, 1995). En ouvrant la voie à des transformations du vivant et de la matière, les innovations technoscientifiques interrogent nos rapports au vivant et remettent en question nos représentations de l’humain et ses relations avec les autres formes du monde vivant et non-vivant (Cherlonneix, 2013; dell’Angelo et al. 2015; Larrère, 2009; Maris, 2014).

À l’instar d’Atlan (1999), n’avons-nous pas intérêt à considérer sérieusement la fin du tout génétique, pour repenser les enjeux médicaux et sociétaux de certaines pathologies au regard des interactions entre gènes et environnement ou mode de vie (Guibet Lafaye 2015) ? Dans le nouveau champ que représentent les nanotechnologies, est-il possible de trouver un équilibre entre les promesses et les espoirs annoncés par les investisseurs dans les domaines de l’alimentation, de la santé ou de l’environnement et les craintes et les méfiances que réveillent les risques que les nanoparticules représentent pour la santé humaine (Hingant & Albe, 2010; Panissal et al., 2010; Parizeau, 2010) ? Quel est l’intérêt et quelles sont les limites de la virtualisation du vivant offerte par les simulations et les modélisations informatiques via la biologie de synthèse quand on sait que cette nouvelle ingénierie vise à donner vie à des simulacres du vivant  produits par des algorithmes (Benasayag, 2010; Heams, 2009) ? Doit-on fabriquer du vivant et pour quelles finalités, comme le soulèvent Bensaude-Vincent et Benoit-Browaeys (2012) ? Est-ce éthique de breveter le vivant, comme le dénonce Berlan (2005) ? En somme, considère-t-on l’instrumentalisation du vivant comme une posture viable, auquel cas sous quelles conditions ? Quels choix sont faits dans le champ éducatif pour positionner ces enjeux et par qui sont-ils réalisés ? L’enseignement répond-il à la finalité d’une formation des futurs citoyens et citoyennes pouvant se positionner face à ces interrogations ?

Notre perspective, dans ce colloque, a été d’interroger d’une part les nouveaux enjeux et défis auxquels les éducations au vivant font face et, d’autre part, des mises en œuvre convoquant un regard interdisciplinaire dans cette même voie pour une « éducation au vivant ».

 

Argumentaire axe 1 : Innovations technoscientifiques : défis et enjeux pour une « éducation au vivant » 

Les nouvelles voies ouvertes par ces avancées biotechnoscientifiques (production de nouveaux génomes, de nouveaux organismes ou la reprogrammation de génomes, par exemple) génèrent de nombreuses controverses accompagnées de débats éthiques. Elles engagent les politiques à tenter de préciser des limites dans les pratiques professionnelles entourant le vivant. Ces réponses à visées éthiques peuvent être divergentes à l’échelle d’une population, d’un individu et d’une cellule, en fonction des champs disciplinaires convoqués. À l’ère du développement de ces biotechnologies et de la bioéconomie qui les sous-tend, épistémologues, philosophes, sociologues et biologistes, entre autres, s’interrogent sur la place de l’humain et les multiples enjeux (épistémologiques, politiques, économiques, sociaux, environnementaux, culturels et éducatifs) liés au vivant (dell’Angelo et al., 2015 ; Habermas, 2002, Lafontaine, 2014 ; Parizeau, 2015 ; Sloterdijk, 2000).

Sous quels fondements épistémologiques reposent les points de vue des différents acteurs impliqués dans les enjeux entourant le vivant ?
Comment envisager la réflexion éthique et juridique concernant le vivant dans ces conditions ?
Quels sont les enjeux sociétaux d’une nouvelle normativité technologique du vivant ? 
Quel rôle peuvent jouer et quels éclairages peuvent apporter des champs alternatifs qui proposent une nouvelle appropriation du vivant (bio-art, biomimétisme, biodesign, etc.) ?

Ces interrogations nous amènent à questionner les finalités d’une « éducation au vivant » intégrant à la fois des savoirs complexes et le développement d’une pensée critique explicités dans les disciplines scolaires à travers le curriculum prescrit.

 

 

Session 1 :

Présidence : Marie-Claude Bernard (Université Laval)
Discutante : Corinne Fortin (Université Paris Est Créteil - LDAR)

Innovations technoscientifiques : enjeux et questions pour l’éducation scientifique

Virginie Albe
Professeure en éducation aux sciences et aux techniques
École Normale Supérieure Paris-Saclay
Site Internet : http://www.isp.cnrs.fr

Les mutations que vit, à l’échelle internationale, l’éducation scientifique depuis les quinze dernières années, questionnent et bouleversent les disciplines scientifiques, tant dans leurs contenus que dans leurs finalités. Ainsi, par exemple, l’émergence de recherches et de pratiques éducatives sur des controverses socioscientifiques contemporaines, ayant une forte vivacité sociale, telles les nanotechnologies, les biotechnologies, les changements climatiques a posé à nouveau frais la question des références sur lesquelles fonder les savoirs scolaires (Albe, 2016). S’opposent deux visions, l’une selon laquelle seul l’apprentissage de savoirs scientifiques disciplinaires pour former la future génération de spécialistes est légitime, l’autre selon laquelle est visée l’éducation d’un(e) citoyen(ne) cultivée en sciences, apte à participer aux choix politiques d’élaboration des programmes de recherche et à en débattre publiquement, impliquant une nécessaire refonte des disciplines scientifiques. De vifs débats entourent cette nouvelle alliance entre éducation ou formation scientifique, et éducation à la citoyenneté : argument destiné à relégitimer le curriculum scientifique (Jenkins, 2007), occasion de refonder ce curriculum (Carter & Smith, 2003; Hodson, 2010, 2013), impossibilité de nature ou dû à la prégnance de la forme scolaire… D’autre part, de nouvelles approches des disciplines scientifiques comme la problématisation ou l’investigation scientifique renouvellent les questions posées aux didactiques des sciences. En outre, se développent de façon concomitante des « éducations à » la santé, l’environnement et le développement durable, qui peuvent faire l’objet d’activités scolaires en mobilisant des contenus des disciplines scientifiques. Se pose alors notamment la question des relations qu’entretiennent, peuvent ou pourraient entretenir les disciplines scientifiques et les éducations à ?

Lors de cette communication, Virginie Albe a fait le point sur les enjeux et les questions soulevées par l’introduction de controverses socioscientifiques dans le curriculum scientifique, et a ouvert la discussion sur des évolutions qui peuvent être repérées quant aux mutations des disciplines scientifiques et à leurs relations aux « éducations à ».

Références

  • Albe, V. (2016). Mutations de l’éducation scientifique ? Intégration curriculaire de controverses socioscientifiques et évolutions de la recherche. Spirale, 58, 9-21.
  • Carter, L. & Smith, C. (2003). Re-visioning science education from a science studies and futures perspective. Journal of future studies, 7(4), 45-54.
  • Hodson, D. (2013). Don’t be nervous, don’t be flustered, don’t be scared. Be prepared.  Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 13(4), 313-331.
  • Hodson, D. (2010). Science education as a call to action. Canadian Journal of Science, Matehematics and Technology Education, 10(3), 197-206.
  • Jenkins, E. W. (2007). School science: a questionable construct? Journal of Curriculum Studies, 39(3), 265-282.

 

Perception du vivant et protection de la biodiversité : analyse curriculaire des tensions entre vision patrimoniale et approche évolutive.

Marco Barroca-Paccard
Professeur à l’Université du Québec en Outaouais (Gatineau, Canada)

Pierre-Henri Gouyon
Professeur au Museum National d’Histoire Naturelle (Paris, France)

La perception du vivant dans nos sociétés se modifie à la fois par le développement biotechnologique, mais aussi par la prise de conscience de la fragilité des systèmes naturels (Caillon & Degeorges, 2005). Une notion porte en elle cette redéfinition en cours de la perception du vivant, c’est celle de biodiversité. Cette notion largement diffusée dans la société nécessite, si on veut éviter de rester dans le sens commun, la construction d’une opinion raisonnée intermédiaire entre la doxa ou préjugé et l’épistème ou connaissance scientifique rationnelle (Lange, Trouve & Victor, 2007). Ainsi pour la biodiversité, il semble nécessaire de construire une opinion raisonnée entre une vision naïve d’une nature idyllique agressée par une humanité destructrice et une vision techniciste qui ramène la question à une simple évaluation quantitative des services écosystémiques réalisée par des experts (Maris, 2010).

Mais ceci n’est pas suffisant, car il faut aussi comprendre quelle perception du vivant est portée par cette notion : une vision du vivant comme patrimoine à protéger ou comme résultat du processus évolutif (visions qui rejoignent la distinction entre événement et phénomènes proposée par Orange-Ravachol en didactique des sciences de la Terre, 2012). Cette communication a présenté l’analyse épistémologique de ces deux visions qui a été réalisée pour construire une grille d’analyse des curricula français. Une analyse de contenu, lexicale et sémantique, des programmes scolaires et des manuels scolaires de SVT en classe de troisième et de seconde générale a montré que si la construction de la notion de biodiversité fait largement appel à la dimension évolutive, ceci ne se traduit pas dans la présentation des actions possibles pour protéger la nature. Ce travail met en avant la dichotomie existante dans le curriculum entre la construction d’un rapport au vivant fortement marqué par la théorie évolutive et une présentation de la protection de la biodiversité qui reste ancrée dans une vision patrimoniale d’un vivant figé et harmonieux qu’il faudrait préserver du développement humain. Ceci souligne en quoi il semble fondamental d’associer la construction scolaire de la perception du vivant avec les actions envisagées pour sa préservation.

Références

  • Caillon, S. & Degeorges, P. (2005).  Biodiversité(s), quand les frontières entre culture et nature s’effacent.... Écologie & politique, 1(30), 85-95.
  • Orange-Ravachol, D. (2012). Didactique des sciences de la vie et de la Terre. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.
  • Lange, J.M., Trouve, A. & Victor, P. (2007). Expression d’une opinion raisonnée dans les éducation à... : quels indicateurs ? Actes du congrès international de l’Actualité de la Recherche en Éducation et en Formation 28 au 31 août 2007, Strasbourg.
  • Maris, V. (2010).  Philosophie de la biodiversité – petite éthique pour une nature en péril. Paris : Buchet-Chastel.
  • Orange Ravachol, D. (2012). Didactique des SVT, Entre phénomènes et événements. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

 

Comment l’instrumentalisation des bovins par les innovations biotechnologiques est-elle traitée dans les manuels scolaires de l’enseignement zootechnique français ?

Michel Vidal
Formateur-chercheur, Montpellier SupAgro

Depuis le début du XIXe siècle, les animaux de production sont l’objet de politiques de développement de leur productivité alors même que l’institutionnalisation de la protection animale à partir de 1850 est à l’origine de vifs débats sur la question de leur instrumentalisation (Burgat, 2001). Nous interrogeons comment les manuels scolaires de l’enseignement de l’agriculture prennent en compte l’instrumentalisation de la reproduction de l’espèce bovine de 1800 à 1915 puis de 1970 à 2014. Nous nous appuyons sur les critères suivants : les régimes de l’imaginaire (Durand, 1993), les savoirs, éthiques et pratiques (Clément, 2010) et les postures (Kelly, 1986) mobilisés par les auteurs.

Durant la première période, l’«amélioration » et le « perfectionnement » des troupeaux s’inscrivent d’abord dans un imaginaire schizomorphe s’appuyant sur les conceptions d’un animal-fonction et d’éthiques exclusivement anthropocentrées. Les auteurs prennent alors des postures de neutralité ou de partialité exclusives. Si les éthiques relatives à la souffrance de l’animal sont mentionnées (Lipp, Vidal & Simonneau, 2014), elles n’interrogent pas son intégrité. Dans un second temps, les échecs de l’acclimatation des races étrangères, la non prise en compte de l’intégrité d’un animal adapté à son milieu conduisent les auteurs à s’inscrire dans un régime imaginaire synthétique en intégrant des pratiques favorisant le bien-être de l’animal.

Durant la deuxième période, l’insémination artificielle, la sélection génomique, les techniques de clonage et de transgenèse sont décrites au travers d’imaginaires soit schizomorphe, l’animal étant défini au travers de son seul génome, soit synthétique en réponse aux risques d’une perte de variabilité génétique ou de problématiques éthiques. Dans les manuels de zootechnie, les auteurs prennent des postures de neutralité ou de partialité exclusives, dans les manuels de didactique de la zootechnie une posture d’impartialité neutre.

Références

  • Burgat, F. (2001a). La demande concernant le bien-être animal. Le courrier de l’environnement, 44, 56-69.
  • Clément, P. (2010). Conceptions, représentations sociales, et modèle KVP. Skolè, 16, 55-70.
  • Durand, G. (1993). Les structures anthropologiques de l’imaginaire. Paris : Dunod.
  • Kelly, T. (1986). Discussing controversial issues: four perspectives on the teacher’s role. Theory and Research in Social Education, 14, 113-138.
  • Lipp, A., Vidal, M. & Simonneaux, L. (2014). Comment les prescriptions et les manuels scolaires de l’enseignement de l’agriculture prennent en compte (ou non) la vivacité de la question socialement vive du bien-être animal en élevage ? Revue francophone du développement durable, 4, 49-65.

 

 

Session 2 :

Présidence : Nathalie Panissal (Université de Limoges FLSH, FrED)
Discutant : Alexandre Dal-Pan (Université Laval)

Devenir « plus » : augmentation, amélioration ou apprentissage du vivant ?

Julie Noack
Étudiante au doctorat École normale supérieure de Lyon

Une frange non négligeable de la recherche biomédicale remplace actuellement la visée thérapeutique par une visée de transformation volontaire de l’organisme sain par la technique (Goffette, 2008). Cette « anthropotechnie » transhumaniste prétend augmenter l’organisme humain – c’est le sens quantitatif du terme « human enhancement » : rendre le corps plus fort, plus rapide, plus durable – et même l’améliorer – selon le sens qualitatif : rendre l’humain plus libre, plus heureux, « plus vivant ». Or, le besoin de transformer son propre corps par la technique – de doubler le « corps donné » par un « corps produit » (Canguilhem, 2002 : 59) – peut aussi être interprété comme un effort de santé, définie comme « le sentiment d’une capacité de dépassement des capacités initiales » (Canguilhem, 2002 : 61).  Dès lors, le moyen ne peut plus être le simple recours à une machine : la volonté de devenir « plus vivant » relève d’un apprentissage, par le corps vivant, de sa propre vitalité – et c’est tout le rapport à la technique qui s’en trouve modifié. En effet, les anthropologues nous apprennent qu’avant d’être montée en dispositifs mécaniques, la technique traverse notre corps (Mauss, 1936) pour en structurer les gestes et les postures. Dès lors, « apprendre à devenir plus vivant » signifie faire effort pour s’approprier ces techniques qui nous conditionnent – et ainsi tenter de (re)conquérir notre vitalité.

Références

  • Canguilhem, G. (2002). Écrits sur la médecine. Paris : Seuil.
  • Goffette, J. (2008). Naissance de l’anthropotechnie. Paris : Vrin.
  • Mauss, M. (1936). Les techniques du corps. Journal de psychologie, 32-3, 271-293.

 

Le bio-art, un espace de questionnement sur les enjeux biotechnologiques des transformations du vivant pour l’éducation

Éric Triquet
CNE – Université d’Avignon

Jean-Loup Héraud 
S2HEP – Université Claude Bernard, Lyon 1

Prolongeant nos travaux sur le rôle de la «fiction réaliste» dans les apprentissages scientifiques au primaire, nous nous intéressons au bio-art pour questionner, dans un cadre éducatif, les enjeux actuels relatifs aux biotechnologies du vivant. Utilisant de façon subversive des outils et des processus biotechnologiques sur le vivant, des artistes ou collectifs contemporains (par exemple Stelarc, Kac) ouvrent une voie alternative pour explorer, à partir de leurs œuvres, le champ des transformations du vivant. Nous situons ces évolutions technologiques dans un contexte de fiction artistique, se démarquant des discours idéologiques ou sociaux.

Le cadre théorique des « mondes possibles » de fiction de Lewis (1973) sous-tend le potentiel épistémologique de telles œuvres. Pour lui, un monde possible se construit, à partir d’une hypothèse « contraire aux faits de notre monde », comme le monde le plus proche du monde existant. Les pratiques du bio-art ont ainsi le pouvoir de a/figurer visuellement ces mondes possibles, b/d’en faire l’objet d’une expérience sensible collective, c/d’ouvrir un questionnement critique.

Cette approche fictionnelle permet de concevoir de nouvelles situations d’éducation scientifique, en convoquant des visées épistémologiques et éthiques. S’agissant de modifications du corps, ces situations réinterrogent notre rapport au vivant ainsi que le statut des notions de « dignité humaine » et « de personne » (appliquées à l’animal), récemment redéfinies en droit français.

Références

  • Heuser, J. (Ed.) (2003). L’art biotech’ (Catalogue), Le Lieu Unique. Paris : Édition Filigranes, Le Seuil, 2003.
  • Héraud, J.-L. (2014) Figurations du corps utopique dans l’art d’aujourd’hui : une anticipation contrefactuelle de son devenir post-humain ? In C. Bard, G. Bertin & L. Guillaud (dir.) Figure de l’utopie hier et aujourd’hui (pp. 39-50). Rennes : PUR.
  • Kac, E. (2011). La vie, la lumière et le langage. Enghien-Les-Bains : Éd. Centre des arts d’Enghien-Les-Bains.
  • Lewis, D. (1973). Counterfactuals. Oxford: Basil Blackwell.
  • Stelarc (1999). Vers le post-humain. Du corps esprit au système cybernétique. Nouvelles de la danse, 40/41, 80-98.
  • Symbiotica (2002). Laboratoire de sciences biologiques (University of Western Australia), dédié à l’approche artistique des phénomènes biologiques, moléculaire, culture de tissus, neurosciences, biomécanique, etc.

 

Grande conférence

Industrialiser le vivant, jusqu’où ?

Dorothée Benoit-Browaeys
Cofondatrice du Festival vivant Paris et des Forums BioRESP et NanoRESP, rédactrice en chef d’Up Magazine, cofondatrice de VivAgora

Préambule : Le parcours proposé dans cette conférence s’inspire des débats et enquêtes menées depuis 20 ans sur les OGM, la biologie de synthèse, les brevets sur le vivant et les événements qui ont été portés par VivAgora (notamment les Assises du vivant (2012- 2013). Dorothée Benoit-Browaeys se réfèrera utilement aux conférences organisées lors du Festival vivant 2016 à Paris, organisé dans le cadre du programme européen Synenergene.

Liens vers la conférence de Dorothée Benoit-Browaeys : 

 

 

Vidéo 1 : Présentation et introduction (7 min.)

 

Vidéo 2 : De la chimie de synthèse à la biologie de synthèse : le vivant mis au travail (partie I) (7 min. 57)

 

Vidéo 3 : Diversité de démarches de la biologie de synthèse (partie II) (7 min. 10)

 

Vidéo 4 : Foisonnement des possibles (partie III) (8 min. 23)

 

Vidéo 5 : Bioéconomie et biotechniques (partie IV) (7 min. 29)

 

Vidéo 6 : Problèmes systémiques d’une bioéconomie dite « durable » (partie V) (6 min. 22)

 

Vidéo 7 : Revoir notre conception de la production (partie VI) (7 min. 42)

 

Vidéo 8 : Perte de l’existence (partie VII) (5 min. 50)

 

Vidéo 9 : Reconnecter l’innovation aux systèmes vivants (partie VIII) (16 min. 06)

 

Vidéo 10 : Période de questions (partie IX) (26 min. 46)

 

Références

  • Audier, S. (2017). La société écologique et ses ennemis. Paris : Éditions La Découverte.
  • Blay, M. (2017). Critique de l’histoire des sciences. Paris : CNRS Éditions.
  • Bensaude-Vincent, B. & Browaeys, D. (2011). Fabriquer la vie. Paris : Seuil.
  • Cabanes, V. (2016). Un nouveau droit pour la Terre : Pour en finir avec l'écocide. Paris : Seuil.
  • Delannoy, E. (2017). Permaéconomie. Le Kremlin-Bicêtre (France): Wildproject.
  • Larrère, R. & Larrère, C. (2017). Bulles technologiques. Le Kremlin-Bicêtre (France): Wildproject.
  • Plessis, C. (coord.) (2014). Coordination, Survivre et vivre, Critique de la science, naissance de l’écologie. Paris : L’échappée.
  • Rey, O. (2016). Quand le monde s’est fait nombre. Paris : Stock.
  • Serres, M. (1990). Le contrat naturel. Paris : Éditions François Bourin.
  • Sloderdijk, P. (2016). Après moi le déluge. Paris : Payot.
  • Travaux de Jane Lecomte et François Sarrazin présentés dans le cadre du Festival vivant.
  • Trocmé-Fabre, H. (2013). Le langage du vivant. Paris : Précursions.

Voir aussi :

 

 

Argumentaire axe 2 : Innovations technoscientifiques : perspectives interdisciplinaires pour une « éducation au vivant » 

La pluralité des formes du vivant « in vivo », « in vitro » et « in silico » interroge les enjeux éducatifs d’une « Éducation au vivant » en milieu scolaire et extra-scolaire. Sont alors convoquées différentes conceptions et représentations (scientifiques, éthiques, sociales et plus largement culturelles) du vivant dans le cadre d’une possible « éducation au vivant » en famille, en classe, au musée, en sciences participatives, etc. (Barma, Lacasse & Massé-Morneau, 2014). Si, comme le soulignent Fabre (2011) et Simonneaux et Simonneaux (2005, 2012), dans un monde complexe, les « éducations à » doivent contribuer à outiller les individus pour les aider à construire les problèmes auxquels ils vont faire face, ce deuxième axe vise à prospecter du côté des enseignantes et enseignants et des apprenantes et apprenants, mais aussi du côté des acteurs éducatifs en milieu extra-scolaire, les manières dont ils interrogent la question de l’« éducation au vivant » :

Comment les enseignants et enseignantes et les acteurs interpellés par ces questions mettent-ils en œuvre un curriculum prescrit ou potentiel pour produire un curriculum « réel », co-construit par ses acteurs pour une « éducation au vivant » ?
Quelles dimensions sont prises en compte (scientifique, éthique, politique, économique, écologique, etc.)? Et est-ce que les transformations et les controverses qu’elles soulèvent sont introduites en classe ou en milieu extrascolaire ?
Quelles stratégies didactiques formelles ou informelles sont opérées par les enseignants et enseignantes ? Selon quelles finalités? Et quels types de rapports au vivant sont favorisés par les activités et stratégies mises en œuvre ?
Quelles sont les visées praxéologiques d’une argumentation critique autour de l’acceptabilité et de l’utilité de la transformation et d’une possible « fabrication du vivant » ?

 

 

Session 3 :

Présidente : Corinne Fortin (Université Paris Est Créteil - LDAR)
Discutante : Manon Albert (Université Laval)

L’apport de Vigie-Nature dans l’éducation à la biodiversité (France)

Sébastien Turpin
Coordinateur Vigie-Nature École, UMR 7204, Muséum national d’Histoire naturelle (Paris)

Vigie-Nature est un dispositif de sciences participatives porté par le Muséum national d’Histoire naturelle. Dans ce dispositif, des citoyens volontaires vont collecter, via des protocoles simples et standardisés, des données sur un grand nombre de sites répartis sur toute la France

Un des axes de recherche de notre équipe est d’évaluer l’impact des pratiques humaines sur la biodiversité. À titre d’exemple, des résultats basés sur les données issues de l’Observatoire des jardins ont été présentés. Cette étude a permis d’évaluer l’effet de l’utilisation de pesticides sur l’abondance de papillons et de bourdons dans des jardins de particuliers.

D’autres résultats préliminaires montrent un effet de la participation sur le comportement de nos observateurs : ils utilisent de moins en moins d’engrais ou de pesticides.

Outre le grand public, nous souhaitons impliquer les scolaires dans ces démarches participatives.

Vigie-Nature École (VNE) propose donc aux enseignants et à leurs élèves de réaliser des suivis de biodiversité. Sept protocoles permettent d’étudier des groupes variés (des escargots aux plantes sauvages en passant par les chauves-souris…). En 2015-2016, près de 6500 élèves, de la maternelle au lycée, ont participé à ce dispositif.

Les résultats d’une étude montrant que les élèves participant à VNE déclarent s’intéresser davantage à la biodiversité de leur établissement et placent plus d’éléments naturels dans les dessins que nous leur avons demandés sont présentés.

Références

  • Site web du programme : www.vigienature-ecole.fr
  • Bœuf, G., Allain, Y-M. & Bouvier, M. (2012). L’apport des sciences participatives dans la connaissance de la biodiversité. Rapport remis à la Ministre de l’Écologie.
  • Couvet, D., Jiguet, F., Julliard, R., Levrel, H., & Teyssedre, A. (2013). Enhancing citizen contributions to biodiversity science and public policy. Interdisciplinary Science Reviews, 33, 95-103.
  • Houillier, F. et al. (2016). Les Sciences participatives en France. État des lieux, bonnes pratiques et recommandations. Rapport remis à la Ministre de l’Éducation nationale.
  • Muratet, A., Fontaine, B. (2015). Contrasting impacts of pesticides on butterflies and bumblebees. Biological Conservation, 182, 148–154.

 

Débattre de questions de nanosanté en formation d’enseignants : quels enjeux ?

Nathalie Panissal 
Université de Limoges FLSH, FrED

Les controverses inhérentes aux pratiques à la nanosanté (Noury & Lafontaine, 2014) interrogent notre rapport au monde, au vivant. Les valeurs comme la dignité, le respect de la vie, l’autonomie sont bousculées par des techniques visant à optimiser les performances dans un contexte économique néolibéral. L’éveil de la pensée citoyenne constitue donc un défi pour l’éducation.

Depuis 2007[1], nous co-construisons des dispositifs d’éducation à la nanomédecine dans le cadre de la didactique des Questions Socialement Vives (Legardez & Simonneaux, 2006). Un dispositif de formation d’enseignants de sciences est présenté ainsi qu’une partie de l’analyse du corpus de débat sur le thème des biopuces à ADN produit dans le cadre de ce dispositif. Les arguments des débatteurs sont repérés et les justifications analysées.

Les débatteurs mettent la responsabilité au cœur du débat. L’intérêt des apports du care pour apporter une nouvelle voix au questionnement éthique est discuté (Tronto, 2013). L’heuristique d’une démarche d’enquête (Dewey, 2011) au service d’une capacitation éthique des citoyens est interrogé (Guchet, 2014).

Références

  • Dewey, J. (1916 trad. 2011). Démocratie et éducation. Paris : Armand Colin.
  • Guchet, X. (2014). Philosophie des nanotechnologies. Paris : Édition Hermann.
  • Legardez, A. & Simonneaux, L. (2006). L'école à l'épreuve de l'actualité. Issy-les-Moulineaux : ESF.
  • Noury, M. & Lafontaine, C. (2014). De la nanomédecine à la nanosanté  : vers un nouveau paradigme biomédical. Socio-anthropologie, 29, 13-35.
  • Tronto, J. (2013). Caring Democracy: Markets, Equality, and Justice. New York: University Press.

 

 

Session 4 :

Présidente : Sylvie Barma (Université Laval)
Discutante : Nathalie Panissal (Université de Limoges FLSH, FrED)

Évaluer des raisonnements socioscientifiques de type agroenvironnementaux et socioéconomiques produits par des étudiants pour réduire l’usage des pesticides agricoles

Nadia Cancian
Chercheuse associée École Nationale Supérieure de Formation de l'Enseignement Agricole (ENSFEA)-UMR EFTS

Laurence Simonneaux
Professeure en didactique des QSV, École Nationale Supérieure de Formation de l'Enseignement Agricole (ENSFEA)- UMR EFTS

Produire avec moins de pesticides génère un changement de paradigme pour gérer la santé des plantes. Les raisonnements doivent concilier des enjeux à différentes échelles spatio-temporelles et se fonder sur la complexité du vivant. La formation initiale des agriculteurs est un levier du changement (MAAF, 2014). Favoriser le développement de raisonnements agroécologiques et socioéconomiques (SAR) est un enjeu éducatif. Ces SAR permettent la construction de solutions contextualisées, discutées dans une perspective de durabilité, mobilisant des arguments agronomiques pour concevoir des systèmes économes en pesticides. Fondée sur les travaux sur les raisonnements socioscientifiques (Sadler, 2004), notre recherche en didactique des questions socialement vives (Legardez & Simonneaux, 2006) traite des raisonnements comme processus et produit d’interactions construits lors de la résolution par des étudiants de filière professionnelle agricole d’une situation-problème (Fabre, 1999) imposant de réduire l’usage des pesticides agricoles. Trois résultats de recherche sont présentés : a) une modélisation de situation-problème à partir de curricula visant le métier d’agriculteur, b) des niveaux de complexité pour évaluer les raisonnements et c) une évaluation des raisonnements construits (tendant vers des SAR accordant une place ténue au vivant). Prenant appui sur Sadler et Fowler (2006), un niveau de complexité structurant est décelé pour enseigner-apprendre des SAR limitant les pesticides.

Références

  • Fabre, M. (1999). Situations-problèmes et savoirs scolaires. Paris : Presses universitaires de France.
  • Sadler, T. D. & Fowler, S. R. (2006). A threshold model of content knowledge transfer for socioscientific argumentation. Science Education, 90(6), 986-1004.
  • Legardez, A. & Simonneaux, L. (dirs.) (2006). L'école à l'épreuve de l'actualité : Enseigner les questions vives. Paris : Esf Éditeur.
  • MAAF (Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt) (2014). Enseigner à produire autrement. DGER, 12 p.
  • Sadler, T. D. (2004). Informal reasoning regarding socioscientific issues: A critical review of research. Journal of research in science teaching, 41(5), 513-536.

 

Quand enseigner le vivant contribue à l’acculturation scientifique des élèves : mise au jour d’indicateurs et de conditions de possibilité

Céline Grancher
Enseignante à l’école primaire docteure en sciences de l’éducation
LabKE3D, EA 7441 Université de Bordeaux

Patricia Schneeberger
Professeure des universités en sciences de l’éducation, didactique des SVT
LabKE3D, EA 7441 Université de Bordeaux

Yann Lhoste
Maitre de conférences HDR en sciences de l’éducation, didactique des SVT
LabKE3D, EA 7441 Université de Bordeaux

Cette communication a présenté les résultats d’une recherche en didactique des sciences, visant à étudier les effets d’un enseignement du concept de vivant sur les apprentissages de jeunes élèves (5 à 8 ans) et à dégager les conditions qui rendent possibles ces apprentissages. 
Notre travail propose une analyse épistémologique sous forme de cartographies, permettant à la fois de visualiser différentes notions qui entrent en jeu dans la délimitation du concept de vivant et de définir des orientations didactiques. Celles-ci se positionnent dans un cadre théorique qui met l’accent sur le rôle du langage dans les apprentissages scientifiques et qui considère les situations d’enseignement-apprentissage en sciences comme l’entrée des élèves dans une première culture scientifique. L’enseignement du vivant consiste à faire accéder les élèves à ce que signifie être vivant, en dépassant la seule construction d’une liste de caractéristiques scientifiques du vivant. Un dispositif de classe, élaboré puis mis en œuvre au cours de deux années consécutives auprès des mêmes élèves, a permis de mettre à l’épreuve les orientations. Des analyses épistémiques combinées à des analyses langagières ont conduit à caractériser des processus d’acculturation scientifique scolaire relatifs au vivant. 
Notre étude développe une approche singulière entre s’appuyant sur des cartographies du vivant et en étudiant les parcours d’élèves sur deux ans.

Références

  • Astolfi, J.KP. (Éd.). (1985). Procédures d’apprentissage en sciences expérimentales (Vol. 3). INRP.
  • Dell’Angelo-Sauvage, M. (2015). « Vie » et « vivant » : perspectives épistémologiques. In La « vie » et le « vivant » : de nouveaux défis à relever dans l’éducation (Vol. 21). EDP sciences.
    Consulté à l’adresse https://www.shs-conferences.org/articles/shsconf/pdf/2015/08/shsconf_vv2015_01001.pdf
  • Lhoste, Y. (2017, à paraitre). Épistémologie et didactique des SVT. Langage, apprentissage, enseignement des sciences de la vie et de la terre. Pessac : Presses universitaires de Bordeaux.
  • Schneeberger, P., & Vérin, A. (2009). Développer des pratiques d’oral et d’écrit en sciences : quels enjeux pour les apprentissages à l’école ? Lyon : INRP.
  • Vygotski, L. S. (1985). Le problème de l’enseignement et du développement mental à l’âge scolaire. In J.KP. Bronckart & B. Schneuwly, Vygotsky aujourd’hui (p. 95-117). Neuchâtel – Paris : Delachaux & Niestlé.

 

De la dynamique différentielle des interactions didactiques à la compréhension d’une co-construction d’une « éducation au vivant » et du genre

Éliane Pautal
Université de Limoges-ESPE - UMR EFTS Université de Toulouse 2J

Souvent discutée depuis la sociologie (Durut-Bellat, 2004) ou les neurosciences (Vidal & Benoit-Browaeys, 2005), la question des apprentissages scolaires inégalitaires entre filles et garçons est examinée ici d’un point de vue didactique. L’étude de la dynamique différentielle des interactions didactiques entre filles et garçons vise à comprendre ce qui influence la construction d’inégalités au sein de la classe tant du point de vue des attitudes des élèves vis-à-vis des savoirs liés au vivant que les savoirs eux-mêmes mis à l’étude et/ou étudiés (Pautal & Vinson, 2017).

Les données articulent des entretiens ante et post séances aux enregistrements filmés d’une séquence sur la circulation du sang (Leutenegger, 2009). Pour cette étude de cas, nous choisissons des moments d’interactions didactiques au sein desquels s’actualisent des enjeux culturels et sociétaux entre élèves.

Mobilisant la théorie de l’action conjointe (Sensevy, 2011), nous examinons l'influence du non verbal et du verbal sur les acquisitions différentielles des élèves quant aux savoirs biologiques et sur l'actualisation d'effets de genre. Les résultats montrent que filles et garçons n’appréhendent pas les savoirs biologiques de la même façon ; l’éducation au vivant n’est alors pas de même nature pour chacun.e. Cette construction inégalitaire d’un rapport aux savoirs biologiques fut discutée pour viser une éducation au vivant qui éclaire les choix de futurs citoyen.nes dans un monde technoscientifique.

Références

  • Durut-Bellat, M. (2004). L’école des filles : quelles formations pour quels rôles sociaux ? Deuxième édition Paris : L’Harmattan.
  • Leutenegger, F. (2009). Le temps d’instruire. Approche clinique et expérimentale du didactique ordinaire en mathématiques. Bruxelles : Peter Lang.
  • Pautal, É. & Vinson, M. (2017, à paraître). Interactions non verbales et verbales : outils de compréhension de la co-construction du savoir et du genre entre élèves. Recherches en didactiques-Les cahiers Théodile.
  • Sensevy, G. (2011). Le sens du savoir. Éléments pour une théorie de l’action conjointe en didactique. Bruxelles : De Boeck.
  • Vidal, C. & Benoit-Browaeys, D. (2005). Cerveau, sexe et pouvoir. Paris : Belin.

 

 

Session 5 :

Présidente : Sylvie Barma (U. Laval)
Discutant : Alexandre Dal-Pan (U. Laval)

De quelle « éducation au vivant » les nouveaux programmes français sont-ils porteurs ?

Corinne Fortin
ESPE-Université Paris-Est Créteil /LDAR

Les avancées technoscientifiques ne sont plus confinées aux recherches en laboratoire, elles sont désormais intégrées aux processus d’industrialisation du vivant. Face à ce vivant « artéfact », produit modifié, voire façonné par les biotechnologies se dessine un nouvel enjeu éducatif, celui d’une « éducation au vivant ».

Dans la continuité des analyses curriculaires menées par Fuchs-Gallezot (2009) sur la génomique et la post-génomique et ceux de dell Angelo-Sauvage et al. (2016) sur le rapport au vivant, notre recherche s’inscrit dans le cadre de la didactique du curriculum (Martinand 2012). Elle interroge ce qui est donné à voir d’une « éducation au vivant » dans les nouveaux programmes scolaires français des sciences de la vie de l’école maternelle à la fin du secondaire moyen (MEN 2015). L’objectif est de développer une approche à la fois compréhensive et analytico-descriptive des prescriptions officielles. Le corpus analysé et le traitement des données s’appuient sur une double analyse qualitative et statistique des données textuelles (Ratinaud & Déjean 2009 ; Reinert 1983) des nouveaux programmes scolaires pour déterminer la ou les visée(s) curriculaire(s) est (sont) en jeu, techniciste et/ou réflexive, d’une éducation au vivant.

Références

  • Dell’Angelo-Sauvage, Bernard, M.C. & de Montgolfier, S. (2016). Analyse des enjeux relatifs au vivant dans les programmes scolaires français et québécois. Spirale Revue de recherches en éducation, 58, 35-52.
  • Fuchs-Gallezot, M. (2009). Génomique, post-génomique : enjeux de formation et prise en charge cuirriculaire pour les SVT. Thèse de sciences de l’éducation et didactique des sciences, École normale supérieure de Cachan.
  • Martinand, J.-L. (2012). Éducation au développement durable et didactiques du curriculum. Conférence au XIXème Colloque AFIRSE, Lisbonne.
  • Ministère de l’éducation nationale. (2015). Bulletin Officiel spécial n°11 du 26 novembre 2015.
  • Ratinaud, P. & Dejean,S. (2009). IRaMuTeQ : implémentation de la méthode ALCESTE d’analyse de texte dans un logiciel libre. Modélisation Appliquée aux sciences Humaines et Sociales (MASHS2009), Toulouse – Le Mirail.
  • Reinert, M. (1983). Une méthode de classification descendante hiérarchique : application à l’analyse lexicale par contexte. Cahiers de l'analyse des données, 8(2), 187-198.

 

Intégration d’enjeux qui entourent l’étude du vivant en classe de biologie au collégial : analyse de positions d’enseignants et enseignantes

Marie-Claude Bernard
Professeure agrégée, Université Laval

Manon Albert
Doctorante, Université Laval

Dans le contexte où le développement des biotechnologies ouvre la voie à de nouvelles possibilités dans l’étude du vivant (organismes génétiquement modifiés, cellules souches, mise au point de formes hybrides « vivant-non vivant ») (Parizeau, 2010), comment les enseignantes et enseignants de biologie au Cégep discutent-ils des enjeux soulevés par celles-ci? Ont-ils recours à des stratégies particulières pour aborder en classe les questions socialement vives (QSV) que soulèvent les biotechnologies? Comment utilisent-ils leur marge de manœuvre pédagogique pour la formation de la pensée critique dans ce contexte? Nous cherchons à répondre à ces questions en menant une recherche visant à analyser les positions adoptées par ces acteurs lorsqu’ils se prononcent sur l’intégration de thématiques liées aux enjeux entourant le vivant. Nous avons recueilli les propos de sept enseignants et enseignantes volontaires lors de trois rencontres en focus group dont nous avons présenté les résultats préliminaires. L’analyse, réalisée selon une double approche, thématique et conversationnelle, s’appuie sur une perspective interactionniste (Mbazogue-Owono & Bernard, 2016). Les résultats contribueront à l’avancement des connaissances sur les visées et les manières d’intégrer, ou non, en classe, des QSV soulevées par les biotechnologies (Albe & Simonneaux, 2002). Le cas échéant, ils peuvent mener à la révision des programmes de formation à l’enseignement au collégial selon une perspective critique. 

Références

  • Albe, V. & Simonneaux, L. (2002). L’enseignement des questions scientifiques socialement vives dans l’enseignement agricole : quelles sont les intentions des enseignants ? Aster, 34, 131–156.
  • Goffman, E. (1973). La mise en scène de la vie quotidienne. Paris: Minuit.
  • Mbazogue-Owono, L. & Bernard, M.C. (2016). Démarches méthodologiques pour approcher les points de vue d’enseignants et enseignantes sur des QSV en lien avec le vivant. Canadian Journal of Science, Mathematics, and Technology Education / Revue canadienne de l’enseignement des sciences, des mathématiques et des technologies, 16(3), 296-311. DOI : http://10.1080/14926156.2016.1204033
  • Parizeau, M.H. (2010). Biotechnologie, nanotechnologie, écologie. Entre science et idéologie. Versailles : Éditions Quae.

 

 

Session 6 :

Présidente : Corinne Fortin (Université Paris Est Créteil - LDAR)
Discutante : Manon Albert (Université Laval)

Innovation pédagogique d’enseignants en éducation à la santé lorsque des questions complexes sont au cœur des discussions à l’école

Sylvie Barma
Professeure agrégée, Université Laval

Samantha Voyer
Candidate à la maitrise en didactique des sciences, Université Laval

Les risques sanitaires et psycho-sociaux émergents placent le principe de responsabilité au cœur des pratiques éducatives (Diemer & Marquat, 2014), ce qui interpelle l’éducation au vivant en Science et technologie au secondaire. Un des objectifs du Programme de formation est de responsabiliser l’élève afin qu’il effectue des choix éclairés par rapport à sa santé. Cette question est porteuse de discussions et d’incertitudes dans les sphères scientifique et sociale (Albe & Simonneaux, 2002). Les enseignants optent souvent pour une pratique disciplinaire dans un mode transmissif (Tobin et al, 1994), ce qui ne permet pas de traiter ces questions complexes (Barma & Bader, 2013) et ils semblent résister au renouvellement des pratiques proposées. Par le biais d’une étude de cas où une enseignante met en place une campagne pour sensibiliser les élèves aux effets des salons de bronzage sur leur santé, nous illustrons que c’est une pratique qui se transforme dans un environnement d’apprentissage aux multiples niveaux. Nous décrivons comment les membres de la communauté de l’école participent au développement d’une activité socialement réglée et normée illustrant des interactions complexes qui s’y déroulent. Nos analyses s’inscrivent dans le cadre théorique de l’apprentissage expansif qui offre une grille porteuse pour lire l’innovation pédagogique et elle cible quatre questions : Qui apprend? Pourquoi apprennent-ils? Qu’apprennent-ils? Comment apprennent-ils?  (Engeström, 2001).

Références

  • Albe, V. & Simonneaux, L. (2002). Enseigner des questions scientifiques socialement vives dans l’enseignement agricole. Aster, 34, p. 131-156.
  • Barma, S. & Bader, B. (2013). How a Science Teacher Anchors and Innovates her Practice Around a Theme: A Case Study in the Context of Educational Reform in Québec. International Journal of Environmental and Science Education, 8(1), 131-161.
  • Diemer, A. & Marquat, C. (2014). L'éducation au développement durable serait-elle en train de remettre en cause notre système éducatif. In A. Diemer & C. Marquat (dirs.) Éducation au développement durable. Enjeux et controverses (pp. 13-31). Bruxelles : De Boeck.
  • Engeström, Y. (2001). Expansive Learning at Work: toward an activity theoretical reconceptualization. Journal of Education, 14(1), 133-156.
  • Tobin, K., Tippins, D. J. & Gallard, A. J. (1994). Research on instructional strategies for teaching science. In D. L. Gabel (Ed.), Handbook of research on science teaching and learning (pp. 177-210). New York: Macmillan.

 

Le recours aux modèles dans l’enseignement du vivant au secondaire : stratégies didactiques et ressources matérielles et humaines utilisées

Madeleine Varlet
Ph.D. Université de Sherbrooke

Les élèves du secondaire rencontreraient des difficultés dans la compréhension de phénomènes biologiques (photosynthèse, régulation de la température, etc.) et à faire des liens entre les objets réels, empiriquement parlant, et les modèles (Barak et al. 2001). Le recours aux modèles et aux démarches de modélisation des biologistes pour appréhender la complexité de ces phénomènes (Legay, 1997) est-il employé dans l’enseignement ? La modélisation permettrait de concrétiser des situations abstraites, de les rendre intelligibles, et de plus, selon Treagust et al. (2004), elle amènerait l’élève à comprendre que les savoirs sont construits et ne représentent pas des copies conformes de la réalité. Le recours aux modèles est d’ailleurs intégré aux programmes d’études du secondaire (Gouvernement du Québec, 2003) qui soulignent que comprendre un phénomène, c’est aussi pouvoir l’expliquer à l’aide de modèles. Dans ce contexte, nous avons mené une étude de cas multiples impliquant 12 enseignants du secondaire et nous avons réalisé des entrevues semi-dirigées afin d’identifier les modes d’utilisation possibles des modèles (Varlet, 2013). Nous présentons une partie des résultats touchant diverses stratégies didactiques dont les enseignants de biologie font usage et les ressources leur servant de support. Les résultats de l’analyse de contenu des entrevues font émerger trois modes d’utilisation des modèles et une prédominance du recours aux manuels scolaires et à l’Internet.

Références

  • Barak, J., Sheva, B., Gorodetsky, M. & Gurion, B. (2001). As ‘process’ as it can get: students' understanding of biological processes. International Journal of Science Education 21(12), 1281-1292.
  • Gouvernement du Québec (2003). Programme de formation de l’école québécoise (premier cycle du secondaire). Programme de science et technologie. Québec : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du sport. Document téléaccessible à l’adresse http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/PFEQ_science-technologie-premier-cycle-secondaire.pdf
  • Legay, J. M. (1997). L’expérience et le modèle. Un discours sur la méthode. Paris : Institut national de la recherche agronomique.
  • Treagust, D., Chittleborough, G. D. & Mamiala, T. (2004). Students’ understanding of the descriptive and predictive nature of teaching models in organic chemistry. Research in Science Education, 34(1), 1-20.
  • Varlet, M. (2013). Le recours aux modèles dans l’enseignement de la biologie au secondaire : conceptions d’enseignantes et d’enseignants et modes d’utilisation. Thèse de doctorat, Université de Sherbrooke (Canada).

Références citées dans l’argumentaire

  • Albe, V. (2011). Finalités socio-éducatives de la culture scientifique. Revue française de pédagogie, 174, 119-138.
  • Albe, V. (2016). « Mutations » de l’éducation scientifique? Défis d’un renouvellement épistémologique : mouvement STS et étude de « controverses ». Spirale Revue de recherches en éducation, 58, 9-21.
  • Atlan, H. (1999). La fin du tout génétique. Nouveaux paradigmes en biologie. Paris : INRA.
  • Barma, S., Lacasse, M. & Massé-Morneau, J. (2015). Engaging discussion about climate change in a Quebec secondary school: A challenge for science teachers. Learning, Culture and Social Interaction 4, 28-36.
  • Bensaude-Vincent, B. & Benoit-Browaeys, D. (2012). Fabriquer la vie. Paris : Le Seuil.
  • Benoit-Browaeys, D. (2016). Spécial Festival Vivant - Vers une révolution bioéconomique ?
  • Bensayag, M. (2010). Organismes et artefacts: vers la virtualisation du vivant? Paris: La Découverte.
  • Berlan, J.P. (2005). Les cloneurs. Écologie et politique, 31(2), 59–70.
  • Cherlonneix, L. (dir.) (2013). Nouvelles représentations de la vie en biologie et philosophie du vivant. La sculpture du vivant à l’épreuve de l’interdisciplinarité. Bruxelles : De Boeck.
  • Dell’Angelo, M., Bernard, MC., Simard, C. & de Montgolfier, S. (éds.) (décembre 2015). SHS Web of Conferences “La ‘vie’ et le ‘vivant’ : de nouveaux défis à relever dans l’éducation”, 21. En ligne http://www.shs-conferences.org/fr/articles/shsconf/pdf/2015/08/shsconf_vv2015_00003.pdf DOI: 10.1051/shsconf/20152100003
  • Fabre, M. (2011). Éduquer pour un monde problématique. La carte et la boussole. Paris : PUF.
  • Fourez, G. (1995). Le mouvement Sciences, technologie et société (STS) et l’enseignement des sciences. Perspectives, 25(1), 27-42.
  • Guibet Lafaye, C (2015). Quelle théorie de la justice pour l’épigénétique ? Dialogue: Canadian Philosophical Review/Revue canadienne de philosophie 54 (3) 489-517.
  • Habermas, J.(2002). L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral. Paris : Gallimard.
  • Heams, T. (2009). De quoi la biologie synthétique est-elle le nom. Dans T. Heams, P. Huneman, G. Lecointre G. et M. Silberstein M. Les mondes darwiniens. L’évolution de l’évolution (p. 409-443). Paris : Éditions Syllepse.
  • Hingant, B. & Albe, V. (2010). Nanosciences and nanotechnologies learning and teaching in secondary education: A review of literature. Studies in Science Education, 46(42), 121-152.
  • Lafontaine, C. (2014). Le corps-marché, la marchandisation de la vie humaine à l’ère de la bioéconomie. Paris : Seuil.
  • Larrère, R. (2009). Éthique, choix technologiques et choix de société. Conférence de clôture : “Quelle place pour la chimie dans une société durable ?” ANGD Cargèse : Institut scientifique de Cargèse, Corse, 24 octobre 2009. 
  • Maris, V. (2014). Nature à vendre. Les limites des services écosystémiques. Versailles : Éditions Quae.
  • Panissal, N., Brossais, E. & Vieu, C. (2010). Les nanotechnologies au lycée, une ingénierie d’éducation citoyenne des sciences, RDST, 1, 319-338.
  • Parizeau, M.-H. (2010). Biotechnologie, nanotechnologie, écologie : entre science et idéologie. Versailles : Éditions Quæ.
  • Simonneaux, J. & Simonneaux, L. (2012). Educational configurations for teaching environmental socioscientific issues within the perspective of sustainability. Research in Science Education, 42(1), 75-94.
  • Simonneaux, L. & Simonneaux, J. (2005). Argumentation sur des questions socioscientifiques, Didaskalia, 27, 79-108.
  • Sloterdijk, P. (2000). La domestication de l’être. Pour un éclaircissement de la clairière. Paris : Mille et une nuits.

 

Édition des actes

Marie-Claude Bernard (Université Laval)

Remerciements à Manon Albert, étudiante au doctorat et à Alexandre Dal-Pan, professionnel de recherche, tous deux à l’Université Laval, pour leur soutien technique. Remerciements également à Marie-Caroline Vincent pour la mise en ligne des résumés et des vidéos de la conférence.

[1] Projet NanoEcole au sein du programme NanoInnov, financement  ANR via la recherche technologique de base (Programme RTB) en nanotechnologies.